Le blanchiment de capitaux, un moyen de réintroduire dans l’économie légale des produits d’infractions pénales menace la stabilité des Institutions financières et les flux de capitaux internationaux, d’où l’intensification des actions de lutte contre cette infraction : le blanchiment de capitaux.
Dans la première loi de 2005 sur la lutte contre le blanchiment de capitaux, prise par l’ex-Président Laurent Gbagbo, la loi n° 2005-554 du 2 décembre 2005, le blanchiment de capitaux est défini comme le fait de commettre intentionnellement la conversion, le transfert ou la manipulation de biens avec l’auteur qui sait que ces biens proviennent d’un crime ou délit ou d’une participation à ce crime ou délit, dans le but de dissimiler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou d’aider toute personne impliquée dans la commission de ce crime ou délit à échapper aux conséquences judiciaires de ses actes.
Egalement, le blanchiment de capitaux est la dissimilation intentionnelle, le déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété réels de biens ou de droits y relatifs dont l’auteur sait qu’ils proviennent d’un crime ou d’un délit, tels que définis par les législations nationales des Etats membres ou d’une participation à ce crime ou délit.
L’acquisition, la détention ou l’utilisation de biens dont l’auteur sait, au moment de la réception desdits biens, qu’ils proviennent d’un crime ou d’un délit ou d’une participation à ce crime ou délit est une action de blanchissement de capitaux.
Même si les faits qui sont à l’origine de l’acquisition, de la détention et du transfert des biens à blanchir sont commis sur le territoire d’un autre Etat membre ou sur celui d’un Etat tiers, la notion de blanchiment de capitaux subsiste.
Avec l’évolution des nouvelles technologies de l’information, la lutte contre le blanchiment de capitaux a connu l’adoption de deux lois en moins de dix ans, la loi n° 2016-992 du 14 novembre 2016, abrogée par la loi n° 2023-875 du 23 novembre 2023.
La lutte contre le blanchissement de capitaux se matérialise par une coopération avec d’autres Etats et la répression exercée contre les auteurs de blanchiment de capitaux.
I – COOPERATION EN MATIERE DE LUTTE CONTRE LE
BLANCHIMENT DE CAPITAUX
La coopération pour mettre un terme au blanchiment de capitaux en Côte d’Ivoire se fait aussi bien sur le plan national, qu’international en passant par une coopération intercommunautaire.
A – COOPERATION NATIONALE
La Cellule nationale de Traitement des Informations financières ou CENTIF, les autorités d’enquête, la structure chargée de la gestion et du recouvrement des avoirs criminels et les autorités de contrôle échangent toute information utile à l’accomplissement de leurs missions respectives.
Lorsque dans l’accomplissement de leur mission, les autorités d’enquête, la structure chargée de la gestion et du recouvrement des avoirs criminels et les autorités de contrôle découvrent des faits susceptibles d’être liés au blanchiment de capitaux, elles informent la CENTIF qui traite comme en matière de déclaration d’opération suspecte.
La CENTIF accuse réception de ces informations et, sur demande des autorités compétentes leur communiquent les suites qui leur ont été réservées.
L’échange d’informations entre la CENTIF et les autorités de contrôle est formalisé à travers la signature de protocoles de coopération.
B – LA COOPERATION INTERCOMMUNAUTAIRE
La Cellule nationale de Traitement des Informations financières ou CENTIF de la Côte d’Ivoire a l’obligation de communiquer à la demande dûment motivée d’une CENTIF d’un autre Etat membre de l’Union, toutes information et données relatives à une investigation en cours.
Ensuite, la CENTIF transmet à la BCEAO des rapports trimestriel et annuel détaillés sur ses activités et coopère avec les autorités nationales, directement ou indirectement concernées par la LBC/FT/FP c’est-à-dire au Blanchiment de Capitaux, le Financement du Terrorisme et la Prolifération des armes de destruction massive.
Enfin, la BCEAO joue le rôle d’établir une synthèse des informations provenant des rapports élaborés par les CENTIF qui servira de support à un rapport périodique destiné à l’information du Conseil des ministres de l’Union sur l’évolution de la LBC/FT/FP.
Pour clore cette coopération intercommunautaire, la BCEAO participe, avec les CENTIF, aux réunions du Groupe Intergouvernemental d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) et aux instances internationales traitant des questions relatives à la LBC/FT/FP.
C – LA COOPERATION INTERNATIONALE
Cette coopération peut être administrative ou judiciaire.
Elle consiste pour la phase administrative, de contraire les autorités à échanger des informations avec leurs homologues étrangers sur le BC/FT/FP et d’autres infractions liées au blanchiment de capitaux.
Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux la Cellule nationale de Traitement des Informations financières (CENTIF) est apte à, dans la confidentialité, conclure des accords avec les autres autorités compétentes nationales ou avec les Cellules de Renseignement financier (CRF) d’autres Etats.
Cependant, la CENTIF peut être autorisé à ne pas communiquer les informations aux Cellules de Renseignement financier (CRF) étrangères lorsque :
- une procédure pénale a été engagée en Côte d’ivoire ;
- la communication porte atteinte à la souveraineté de l’Etat ou aux intérêts nationaux ainsi qu’à la sécurité et à l’ordre public.
En matière de coopération judiciaire, les juridictions ivoiriennes sont compétentes pour connaître des infractions de blanchiment de capitaux de toute personne physique ou morale ivoirienne ou non quel que soit le lieu de localisation de son siège, même hors de la Côte d’Ivoire du moment où le lieu de commission est situé dans l’un des Etats membres.
Ainsi, sur le fondement de la réciprocité et d’une convention internationale donnant cette compétence, les juridictions ivoiriennes peuvent connaître des infractions commises dans un Etat tiers à travers le transfert de poursuite, l’entraide judiciaire et l’extradition.
II – REPRESSION DU BLANCHIMENT DE CAPITAUX
La répression du blanchiment de capitaux s’observe dans les mesures conservatoires, les mesures administratives et des sanctions pénales.
A – MESURES CONSERVATOIRES
En cas de non-déclaration, de fausse déclaration ou de déclaration incomplète des fonds, l’Administration des Douanes saisit les espèces concernées.
De même, le juge peut prescrire le gel, la saisie ou la confiscation :
a) des produits ou instruments du crime ou du délit ;
b) les fonds et les biens ainsi que les ressources économiques ou financières en relation avec l’infraction de BC/FT/FP objet de l’enquête;
c) les sommes d’argent et opérations financières portant sur les biens susvisés.
B – MESURES ADMINISTRATIVES, SANCTIONS
DISCIPLINAIRES ET PECUNIAIRES
L’autorité de contrôle ayant pouvoir de sanction peut d’office prendre des mesures administratives, des sanctions disciplinaires et/ou pécuniaires lorsque, par suite, soit d’un grave défaut de vigilance, soit d’une carence dans l’organisation de ses procédures internes de contrôle, une personne assujettie a méconnu les obligations imposées.
Le Procureur de la République est tenu informé lorsque dans l’exercice de ses missions, l’autorité de contrôle constate une infraction pénale.
C – SANCTIONS PENALES
Le blanchiment de capitaux est une infraction qui entraîne un emprisonnement de trois à sept ans et une amende égale au triple de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.
De même, l’entente ou la participation à une association en vue de la commission d’un acte constitutif de blanchiment de capitaux, l’association pour commettre ledit acte, l’aide, l’incitation ou le conseil à une personne physique ou morale, en vue de l’exécuter ou d’en faciliter l’exécution est punie De la même peine, trois à sept ans de prison et une amende égale au triple de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.
Le sursis est exclu en cas de de blanchiment de capitaux et la tentative de blanchiment de capitaux est punie comme indiquée ci-dessus.
De plus, des circonstances peuvent aggraver la peine prescrite et portée au double :
1°) lorsque l’infraction de blanchiment de capitaux est commise de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle ;
2°) lorsque l’auteur de l’infraction est en état de récidive, auquel cas, les condamnations prononcées à l’étranger sont prises en compte pour établir la récidive ;
3°) lorsque l’infraction de blanchiment de capitaux est commise par un groupe criminel organisé.
La personne physique reconnue coupable de blanchiment de capitaux peut encourir les peines complémentaires suivantes :
1°) l’interdiction définitive du territoire national prononcée contre tout étranger condamné ou pour une durée :
- d’un à cinq ans en cas de blanchiment de capitaux ;
- de trois à sept ans en cas de financement du terrorisme ou prolifération des armes de destruction massive ;
2°) l’interdiction de séjour dans une ou des circonscriptions administratives pour une durée :
- d’un à cinq ans en cas de blanchiment de capitaux ;
- de trois à sept ans en cas de financement du terrorisme ou prolifération des armes de destruction massive ;
3°) l’interdiction de quitter le territoire national et le retrait du passeport pour une durée :
- de six mois à trois ans en cas de blanchiment de capitaux ;
- de deux à cinq ans en cas de financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive ;
4°) l’interdiction de l’exercice des droits civils et politiques pour une pour durée :
- aide six mois à trois ans en cas de blanchiment de capitaux ;
- de deux à cinq ans en cas de financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive ;
5°) l’interdiction de conduire des engins à moteur terrestres, marins et aériens et le retrait des permis ou licences pour une durée :
- de trois à six ans en cas de blanchiment de capitaux
- de cinq à dix ans en cas de financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive;
6°) l’interdiction définitive d’exercer la profession ou l’activité à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise ou pour une durée :
- de trois à six ans en cas de blanchiment de capitaux ;
- de cinq à dix ans en cas de financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive ;
7°) l’interdiction d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et l’interdiction d’utiliser des cartes de paiement pendant:
- trois à six ans en cas de blanchiment de capitaux ;
- cinq à dix ans en cas de financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive ;
8°) l’interdiction de détenir ou de porter une a soumise arme ;
- trois à six ans en cas de blanchiment de capitaux ;
- cinq à dix ans en cas de financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive;
9°) la confiscation de tout ou partie des biens d’origine licite du condamné en cas de blanchiment de capitaux ;
10°) l’interdiction définitive d’exercer une fonction publique;
11°) la confiscation du bien ou de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction de financement du terrorisme ou de la prolifération des armes de destruction massive ou de la chose qui en est le produit, à l’exception des objets susceptibles de restitution.
Enfin, dans tous les cas de condamnation pour infraction de blanchiment de capitaux ou de tentative, les tribunaux ordonnent la confiscation au profit de la structure nationale chargée de la gestion des avoirs criminels gelés, saisis ou confisqués et de leur recouvrement:
1°) des biens qui ont servi ou qui étaient destinés à commettre l’infraction ;
2°) des produits tirés de l’infraction ;
3°) des biens mobiliers ou immobiliers dans lesquels ces produits sont transformés ou convertis;
4°) des biens acquis légitimement auxquels lesdits produits sont mêlés ainsi que des revenus et autres avantages tirés de ces produits, à concurrence de leur valeur;
5°) des biens dans lesquels ces produits sont transformés ou investis;
3°) des biens auxquels ces produits sont mêlés, quel que soit leur propriétaire, à moins que celui-ci n’établisse qu’il ignore leur origine frauduleuse et qu’il les a acquis légalement et de bonne foi.
D – LA JURIDICTION COMPETENTE POUR LES
INFRACTIONS DE BLANCHIMENT DE CAPITAUX
C’est le Pôle Pénal Economique et Financier créé par la loi n° 2022-193 du 11 mars 2022 qui est la juridiction compétente pour connaître des infractions de blanchiment de capitaux.
Le Pôle Pénal Economique et Financier est soumis au Code de procédure pénale, à la loi relative à l’organisation judiciaire et les recours contre les décisions du Pôle Pénal Economique et Financier sont portés devant une chambre spéciale de la Cour d’appel d’Abidjan.
Les recours exercés contre les Ordonnances des juges d’instruction du Pôle Pénal Economique et Financier sont portés devant la Chambre d’instruction de la Cour d’appel d’Abidjan.
Les officiers et agents de police judiciaire spécialisés agissent sous la direction du Procureur de la République près le Pôle Pénal Economique et Financier
Ils exécutent les délégations des cabinets d’instruction du Pôle Pénal Economique et Financier et défèrent à leurs réquisitions. Il en est de même lorsqu’ils sont requis par la chambre de jugement du Pôle Pénal Economique et Financier.
Au total, il est primordial d’indiquer que le blanchiment de capitaux est un problème mondial qui préoccupe aussi bien chaque Etat que le Fonds Monétaire International (FMI), avec le Groupe d’action financière (GAFI) a formulé des recommandations sur le système de justice pénale, le secteur financier, certaines activités et professions non financières, la transparence et les mécanismes de coopération internationale pour aider les autorités nationales à appliquer des dispositifs efficaces de LBC/FT.
Maitre KOUASSI Loukou Bertin
Notaire à Abidjan
Contact : (225) 07 07 89 69 49
E.mail : loukoubertin.kouassi@notaire.ci
Site web : notaireloukoubertin.com